
Abuja, 22 juin 2025 — À l’occasion de son 67ᵉ sommet ordinaire, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a acté un virage historique : le transfert de plusieurs institutions clés jusque-là hébergées dans trois pays devenus membres de la Confédération des États du Sahel (AES) — le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
La décision, adoptée à l’unanimité des chefs d’État réunis à Abuja, marque une étape cruciale dans l’adaptation de l’organisation face à une reconfiguration régionale sans précédent. Trois organes techniques changent ainsi de cap :
Le Centre de développement de la jeunesse et des sports (EYSDC) quitte Ouagadougou pour Monrovia (Libéria). Ce centre, moteur des initiatives pour la jeunesse ouest-africaine, coordonnait les actions liées à l’engagement civique et aux politiques sportives.
Le Centre de gestion des ressources en eau (WRMC), également basé dans la capitale burkinabè, est relocalisé en Guinée. Il jouait un rôle stratégique dans les politiques climatiques et la gestion durable des eaux.
Le Centre régional de santé animale (CRSA), installé à Bamako, déménage quant à lui en Guinée-Bissau. Il est chargé de la prévention sanitaire liée aux zoonoses et de la sécurité alimentaire dans l’espace CEDEAO.
Quant à l’avenir du siège de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS), initialement basé au Burkina Faso, la décision est reportée, signe que certains dossiers restent politiquement sensibles.
Un repositionnement stratégique face à l’émergence de l’AES
Si ces relocalisations apparaissent comme des mesures logistiques, elles traduisent surtout un changement de cap face à l’essor de l’AES, perçue comme une alternative à l’architecture régionale traditionnelle. Loin d’être un repli, cette évolution affirme la volonté de la CEDEAO de préserver son efficacité, tout en réaffirmant son rôle central dans la stabilité ouest-africaine.
« C’est une mesure d’adaptation, mais aussi un signal de résilience », commente un diplomate ouest-africain. Pour les dirigeants de la CEDEAO, la priorité reste la continuité de l’action communautaire, malgré les tensions géopolitiques, les défis économiques et les urgences sécuritaires.
Dans son discours de fin de mandat, le président sortant Bola Ahmed Tinubu (Nigeria) a lancé un appel à l’apaisement en direction des pays de l’AES : « Nos portes leur restent ouvertes pour l’unité, la solidarité et une vision commune de l’avenir ». Il a ensuite transmis le flambeau à Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, désormais à la tête de l’organisation.
Pendant ce temps, les efforts de médiation se poursuivent en coulisses. Le Sénégal et le Ghana maintiennent des canaux de dialogue, et la rencontre du 22 mai à Bamako entre la Commission de la CEDEAO et les diplomates de l’AES ouvre une timide fenêtre de négociation, malgré les fractures politiques.
À 50 ans, la CEDEAO engage une refondation ambitieuse : gouvernance modernisée, intégration économique renforcée, et recentrage sur les valeurs fondatrices de solidarité et de stabilité. Un nouveau souffle pour une organisation en pleine mutation.